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1932, le pavé jaune de Castries

Longtemps les rues principales des cités furent recouvertes de pavés en bois debout. Souvent en chêne, ils étaient disposés côte à côte, évitant aux passants de marcher dans la poussière ou la boue suivant le temps et permettant un meilleur roulement des charrettes et autres engins à roues.

Mais ces pavés présentaient certains inconvénients : en été la sécheresse les rendaient  branlants , en hiver par temps pluvieux l'humidité les gonflait rendant la surface des rues dangereusement inégale en plus de glissante. Le mécontentement des usagers est aisé à imaginer !

Le 8 novembre 1915, «Le Petit Var» quotidien fondé par l'ancien maire Henri Dutasta publiait l'article suivant :

«Le pavage en bois de la rue d'Alger est déjà en très mauvais état. Les pluies l'ont fait gondoler de dangereuse façon et il y a des trous inquiétants. Nous avions signalé la chose l'an dernier. Depuis elle s'est encore aggravée. Il serait bon que l'adjoint Lesquoy et le directeur des travaux Isnard prissent des mesures sérieuses pour sauvegarder les intérêts de la Ville. Il y a eu malfaçon.»

Le pavé de bois durera encore une quinzaine d'années...

En séance du 7 septembre 1931, le Conseil Municipal vote les crédits pour la réfection du pavage du centre-ville. Mais il était prévu que le matériau soit identique : le bois.

Heureusement les commerçants veillaient au grain ! Ils demandèrent l'abandon de ce type de revêtement au profit d'un autre qui soit plus adapté à la constante progression de la circulation automobile.

Marius Escartefigue, alors  député et maire de Toulon, se saisit de l'affaire. Continuant sa politique de collaboration directe avec ses administrés ainsi que les groupements commerciaux et économiques il reconnait les doléances des commerçants. En total accord avec eux, il leur soumet trois types de pavage modernes, agréables à la vue et solides à l'usage : le pavé en asphalte gris comprimé, celui en roche de synthèse également gris, et enfin le pavé artificiel en teinte jaune dite «de Castries».

Les commerçants, toujours désireux d'améliorer l'esthétique des rues sur lesquelles donnent leurs boutiques, optent pour le troisième type qui fut adopté.

Ce pavé, fabriqué donc à Castries petite ville du département de l'Hérault qui vit beaucoup de cette industrie, se présente sous la forme d'une «brique» de 22 cm par 11 et épaisse de 8 cm, des petits tenons sur chaque grand côté servant d'écarteurs et de bloqueurs. D'un poids de 4,8 kg, il est constitué d'un mélange de terres et de grés cuit à très haute température.

La pose se fera sur une plate-forme de béton sur laquelle est étalé un lit de sable de mer sur lequel sont posés les pavés, le sable permettant d'avoir une chaussée plus souple.

Deux modèles différents seront employés. Dans les rues Hoche et d'Alger et dans la traversée de la place Camille Ledeau ce sera le type «à pastilles», pour augmenter l'adhérence, posé en chevron avec la pointe dirigée vers le haut de la rue. Rue Émile Zola, place de la Cathédrale et dans la traverse du même nom les pavés seront sans pastilles antidérapantes et  posés en quinconce.

Les travaux, initialement confiés à une entreprise d'outre-Rhin, seront achevés par quatre entreprises locales : Coignard Arsène, Icard & Champion, Lains Léon et Bagnasco Vincent. Pavés et sable furent véhiculés par l'entreprise de camionnage Barla au moyen de tombereaux hippomobiles.

La nationalité allemande de de la première entreprise a donne à penser à certains que les pavés étaient de la même nationalité et nous avaient été attribués au titre de dommages de guerre 14-18.

Les 90 000 mètres carrés de surface nécessitèrent 30 000 tonnes de pavés et le coût total de l'aménagement fut de 2 400 000 Francs de 1932.

Ces ancêtres de nos actuels pavés autobloquant firent parti pendant quatre décennies du paysage du centre-ville. En 1968, pour la mise en zone piétonne du centre, ces pavés furent déposés, remplacés par un autre modèle.

 

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Malheureusement il n'a pu être trouvé aucune photo couleur des rues de Toulon ainsi revêtues...

Mais le hasard a fait qu'un jour de 2021 j'ai pu retrouver des pavés semblables grâce au revêtement en mauvais état de la rue Hancy, à Nice.

 

 

 

 

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Gauche : La rue d'Alger vers 1950 - On distingue les pastilles antidérapantes sur les pavés - Carte postale R. Caujolle

Droite : Nice, rue Hansy 2021 - photo Michel Bonnafoux

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La rue d'Alger vers 1930 - Carte postale éd. Rostan & Munier

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