Le raid aérien italien, le 13 mai 1940 au début des hostilités, et ensuite le premier bombardement allié du 24 novembre 1943 confirmèrent que la ville de Toulon avait un besoin urgent d'abris supplémentaires.
La troisième Région Maritime, les Ponts et Chaussées et la Ville mirent en chantier un vaste plan pour la protection des habitants. Dans un premier temps, il fallait aménager et renforcer l'existant.
Les caves des immeubles furent consolidées au moyen de poutres, bastaings, madriers, planches d'échafaudage. Les voûtes furent étayées ainsi que les couloirs d'accès aux étages. Ces caves furent cloisonnées au moyen de caisses et tonneaux d'au moins 70 cm de large ou de diamètre, emplis de terre, gravier ou sable permettant de réduire les risques d'éboulement. On perça aussi les murs mitoyens pour permettre le passage d'une cave à l'autre en cas d'écroulement de l'une d'elles.
Ces travaux s'effectuaient uniquement à la main outillée de massettes et d'aiguilles d'acier. En cette période de pénuries les compresseurs étaient rares, voire introuvables. Dans chaque cave un équipement de survie composé de :
1- un éclairage par lampe à pile. Les lampes à combustibles liquides (pétrole, alcool) ou méta (alcool solidifié) étant interdites.
2- une réserve d'eau potable
3- un outillage comprenant une pelle, une pioche, des bâches et des cordes.
4- un extincteur portatif
5- du chlorure de chaux, aux entrées des caves, destiné à absorber l'ypérite que des personnes pouvaient transporter avec leurs chaussures.
Chaque îlot, avec ses caves communicantes, était sous la responsabilité d'un chef d'îlot qui veillait au respect des consignes.
D'autres abris furent construits en béton armé. L'un d'eux était près du fort Sainte-Catherine avec des dimensions de 33,90 m par 10 m de large. Divisé en trois compartiments pouvant abriter chacun trente personnes, il était muni d'un cabinet d'aisance.
Plus sommaires, des tranchées couvertes furent creusées dans le sol des principales places de la ville. Elles étaient étayées de planches et madriers, couvertes de tôles, de bois, de terre en talus. Leur dénomination officielle : abris contre le souffle et les éclats. Les humoristes précisaient : contre le souffle du vent et les éclats de rire !
Dans les alentours, peints sur les immeubles, des panneaux indicateurs orientaient la population vers ces abris.
Furent ainsi équipés le Champ de Mars, la place de la Liberté, la place d'Armes. Dans les quartiers, les places Voltaire à Saint-Jean-du-Var, Laporterie à La Loubière, du Dr Barthélémy à Claret, Curie à Vert Côteau, les Habitations à Bon Marché (HBM) de Brunet et du Pont-du-Las, les places Colonel Bonnier au Temple et Pasteur à La Rode ainsi que l'école de la rue Beaussier au Mourillon. Liste incomplète donnée seulement à titre indicatif.
Pendant la durée de la guerre la ville avait aussi l'autorisation d'utiliser les fortifications Vauban. De la Porte d'Italie aux Lices, les souterrains furent aménagés. Les Toulonnais avaient confiance en ces abris, courant vers eux à la moindre alerte. L'expérience du premier bombardement avait fait changer d'avis la plupart de ceux qui avaient cru que leur ville ne serait jamais agressée. Ces abris étaient sécurisants, construits de solides et épaisses murailles, recouverts de plusieurs mètres de terre tassée au fil des décennies. Ils avaient la faveur de la population.
Les Ponts et Chaussées et la Défense Passive furent à court de ciment et d'acier pour construire des abris du type de celui du fort Sainte-Catherine. Les explosifs ne manquant pas, ils furent utilisés pour creuser des cavités dans les anciennes carrières, ce qui constitua d'excellents abris pour les banlieusards.
À La Seyne, pour pallier au nombre insuffisant de refuges, les autorités insistèrent pour que soit utilisée une partie de l'émissaire commun dont les travaux avaient été suspendus au début des hostilités. Et ce, malgré l'inconvénient d'une entrée-sortie unique. Ainsi, lors du bombardement allié du 11 juillet 1944, la fin de l'alerte fut sonnée alors qu'une seconde vague de bombardiers arrivait, déclenchant une nouvelle alerte. Il en résulta un mouvement de panique incoercible : ceux qui voulaient entrer se heurtèrent violemment à ceux qui voulaient sortir. Le choc se produisit à l'endroit d'un changement de pente du plancher que les services de la Défense passive avaient fait installer pour relier deux sections du tunnel d'un niveau différent. Les gens tombèrent les uns sur les autres, se piétinèrent, s'écrasèrent, furent étouffés... On dénombra de 96 à 102 morts selon les sources ainsi que de nombreux blessés.
Sur cet épisode tragique voir l'article de l'excellent site sur La Seyne de Marius et Jean-Claude Autran :
http://jcautran.free.fr/oeuvres/tome2/annees_dramatiques.html#8